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Ah les fameuses émeutes gecques de décembre dernier...Ca a fait beaucoup de bruit à ce moment là, mais ça a été enterré tellement vite par nos médias qu'on a l'impression que c'était il y a un an...A défaut de pouvoir faire le point sur la situation actuelle, revenons sur ces évènements loin d'être anodins.
6 décembre 2008 : un jeune adolescent de 15 ans est tué d'une balle perdue par un policier à Athènes. Aussitôt, les grandes villes grecques s'embrasent, la jeunesse défile dans les rues.
La mort de ce malheureux a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase : la "génération 700 euros" comme on l'appelle, lassé de la misère et du manque d'avenir, a fait éclater son mécontement. Et ce mouvement n'a rien de l'oeuvre de quelques anarchistes délinquants et casseurs, comme TF1 et consorts cherchent à nous le faire croire. C'est bel et bien un mouvement d'une grande spontanéité, et surtout d'une détermination sans faille qui s'est emparé de la Grèce. Face à eux, un Etat qui ne les comprends pas, qui les méprise, et qui va se révéler totalement incompétant à gérer la situation : selon un sondage, 80% des athéniens ont critiqués l'inaction gouvernementale. La rage des jeunes grecs ne s'applique pas seulement à la majorité en place, mais aussi aux principales forces "d'oppositions", qu'ils accusent à juste titre d'être corrompu et tout aussi incompétant que les autres. La jeunesse grecque crie sa colère face aux mensonges de la société, critique les médias de masse et hurle son mépris de l'inefficacité de la justice grecque. Comme le dit Petros Markaris :
"Ici, les jeunes pensent que le monde politique est gangrené par la corruption, les intrigues et les magouilles. Ils voient que toute la fange politique s'enrichit sans que cette richesse ne profite à la société. Ils sont persuadés que tous les scandales ne seront jamais punis. Leur mot d'ordre est 'tous pourris'. D'où leur violence."
Voici également le témoignage d'un jeune militant athénien :"Beaucoup de gens sont venus, écolos, gauchos, anarchistes. C'est la plus grosse marche de ce genre à laquelle j'ai jamais assisté. (...) Dès le départ, l'atmosphère était éléctrique, on savait que ce ne serait pas une marche pacifiste mais personne n'allait partir à cause de ça. Tout le long, la marche était emplie de colère. Il y a eu du feu, des bombonnes de gaz. On a été battu et on nous mis en pièces mais certains se sont débrouillés pour avancer vers le commissariat central à la fin de la marche. Les gens ont essayé de reformer des groupes, certains ont décidé d'aller au parlement, finalement, après trois heures, on est retourné à l'école polytechnique, déjà occupée."
Comment expliquer un tel déchaînement de violence envers une société? Et surtout un tel déchaînement généralisé, s'appliquant y compris aux classes moyennes?
Là encore, je préfère faire parler les grecs eux même :
Pour un grec cinquantenaire comme moi qui a grandi pendant la période de la dictature (1967-1973) et pendant la "métapolitefsi" (le changement de régime), il est aussi étonnant d'écouter des petits commerçants qui ont voté autrefois pour la droite la plus dure aujourd'hui s'extasier pour Tsipras, la voix de l'attelage de gauche Syriza, qui rassemble écolos et d’Eurocommunistes ratés.
Deux aspects structuraux expliquent aussi la crise actuelle. D'abord l’absence d’expression politique pour la jeunesse en dehors des partis, qui est redoutable en Grèce car il n’y a pas de milieu associatif vivant.
Cette absence de milieu associatif ne poserait pas de problème, si par ailleurs, les partis reprenaient ces revendications nouvelles en main: l’Europe, l’écologie, l’éducation, l’emploi et surtout le plus grave et le plus important problème de ce pays, la lutte contre le système parallèle et la para-économie.
Seule reste donc la famille. Je connais de nombreux cas de jeunes qui, après avoir fini brillamment leurs études, continuent à travailler dans le business familial. Tel ce mathématicien, fils de pâtissier, que sa mère accompagne en Crète pour finir sa thèse de doctorat en maths et qui, une fois son diplôme en poche, retourne dans la boulangerie paternelle.
Mais contrairement à ce que l'on pourrait croire, c'est une jeunesse mondialisée, entièrement européenne, peu politisée, peu religieuse, très tolérante sexuellement, consommatrice et contente de l'être, assez élégante, certainement plus jouisseuse -dans tous les sens du terme- que celle des pays plus à l’Ouest ou au Nord.
C'est une jeunesse qui est l’exact opposé de la génération précédente, des quadragénaires et quinquagénaires beaucoup plus politisés, assez conformistes dans leur comportement, consommateurs moyens, plutôt religieux et en quête désespérée de la reconnaissance dans le monde.
Ma génération parlait d'aller en Europe pour "voyager à l'étranger"; on ne disait jamais aller en France ou en Angleterre... On disait toujours "l'Europe", entité magique. Mais aujourd'hui ça y est: on est en Europe, on est européen on est dans l'euro.
Les jeunes se demandent maintenant: "Ok, ça y est. L'UE c'est un fait, on est dedans. Que nous apporte-t-elle?". Qui saura répondre à la question?" (Rigas Arvanitis, sociologue et journaliste)
Hormis la particularité du cas grec, ne trouvez-vous pas que tout celà a comme une odeur de poudre dans l'Europe toute entière? D'ailleurs, on remarque qu'à la même période, le gouvernement Sarko, d'ordinaire inflexible face aux mouvements de protestation, a reculé face à la mobilisation lycéenne, de peur qu'elle ne dégénère? Nos politicards auraient-ils compris que ce qui s'est passé en Grèce n'est qu'un avant-goût de ce qui pourrait se produire chez nous à cause de la précarisation et de la désillusion des jeunes? Parce que la dégradation des conditions de vie, la perte des acquis sociaux, la frustration de ne pas avoir sa place dans la société, le chômage, les loyers hyper-chers, les boulots sous-payés à mi-temps pour financer les études, les diplômes qui ne servent plus à rien, le manque d'écoute des jeunes de la part des institutions, le retour en force du conservatisme au pouvoir, l'accroissement des inégalités sociales, l'enrichissement d'une certaine partie de la population au détriment d'une autre....Tout ces évènements et tant d'autres sont responsables des émeutes grecques. Il ne leur avait fallu qu'un déclencheur. En France, ces élements existent aussi. Que se passerait-il si un élément déclencheur survenait chez nous? A méditer.
En attendant, les problèmes de la jeunesse grecque ne sont toujours pas réglée, et la situation est toujours sous tension là bas. A suivre.
6 décembre 2008 : un jeune adolescent de 15 ans est tué d'une balle perdue par un policier à Athènes. Aussitôt, les grandes villes grecques s'embrasent, la jeunesse défile dans les rues.
La mort de ce malheureux a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase : la "génération 700 euros" comme on l'appelle, lassé de la misère et du manque d'avenir, a fait éclater son mécontement. Et ce mouvement n'a rien de l'oeuvre de quelques anarchistes délinquants et casseurs, comme TF1 et consorts cherchent à nous le faire croire. C'est bel et bien un mouvement d'une grande spontanéité, et surtout d'une détermination sans faille qui s'est emparé de la Grèce. Face à eux, un Etat qui ne les comprends pas, qui les méprise, et qui va se révéler totalement incompétant à gérer la situation : selon un sondage, 80% des athéniens ont critiqués l'inaction gouvernementale. La rage des jeunes grecs ne s'applique pas seulement à la majorité en place, mais aussi aux principales forces "d'oppositions", qu'ils accusent à juste titre d'être corrompu et tout aussi incompétant que les autres. La jeunesse grecque crie sa colère face aux mensonges de la société, critique les médias de masse et hurle son mépris de l'inefficacité de la justice grecque. Comme le dit Petros Markaris :
"Ici, les jeunes pensent que le monde politique est gangrené par la corruption, les intrigues et les magouilles. Ils voient que toute la fange politique s'enrichit sans que cette richesse ne profite à la société. Ils sont persuadés que tous les scandales ne seront jamais punis. Leur mot d'ordre est 'tous pourris'. D'où leur violence."
Voici également le témoignage d'un jeune militant athénien :"Beaucoup de gens sont venus, écolos, gauchos, anarchistes. C'est la plus grosse marche de ce genre à laquelle j'ai jamais assisté. (...) Dès le départ, l'atmosphère était éléctrique, on savait que ce ne serait pas une marche pacifiste mais personne n'allait partir à cause de ça. Tout le long, la marche était emplie de colère. Il y a eu du feu, des bombonnes de gaz. On a été battu et on nous mis en pièces mais certains se sont débrouillés pour avancer vers le commissariat central à la fin de la marche. Les gens ont essayé de reformer des groupes, certains ont décidé d'aller au parlement, finalement, après trois heures, on est retourné à l'école polytechnique, déjà occupée."
Comment expliquer un tel déchaînement de violence envers une société? Et surtout un tel déchaînement généralisé, s'appliquant y compris aux classes moyennes?
Là encore, je préfère faire parler les grecs eux même :
Pour un grec cinquantenaire comme moi qui a grandi pendant la période de la dictature (1967-1973) et pendant la "métapolitefsi" (le changement de régime), il est aussi étonnant d'écouter des petits commerçants qui ont voté autrefois pour la droite la plus dure aujourd'hui s'extasier pour Tsipras, la voix de l'attelage de gauche Syriza, qui rassemble écolos et d’Eurocommunistes ratés.
Deux aspects structuraux expliquent aussi la crise actuelle. D'abord l’absence d’expression politique pour la jeunesse en dehors des partis, qui est redoutable en Grèce car il n’y a pas de milieu associatif vivant.
Cette absence de milieu associatif ne poserait pas de problème, si par ailleurs, les partis reprenaient ces revendications nouvelles en main: l’Europe, l’écologie, l’éducation, l’emploi et surtout le plus grave et le plus important problème de ce pays, la lutte contre le système parallèle et la para-économie.
Seule reste donc la famille. Je connais de nombreux cas de jeunes qui, après avoir fini brillamment leurs études, continuent à travailler dans le business familial. Tel ce mathématicien, fils de pâtissier, que sa mère accompagne en Crète pour finir sa thèse de doctorat en maths et qui, une fois son diplôme en poche, retourne dans la boulangerie paternelle.
Mais contrairement à ce que l'on pourrait croire, c'est une jeunesse mondialisée, entièrement européenne, peu politisée, peu religieuse, très tolérante sexuellement, consommatrice et contente de l'être, assez élégante, certainement plus jouisseuse -dans tous les sens du terme- que celle des pays plus à l’Ouest ou au Nord.
C'est une jeunesse qui est l’exact opposé de la génération précédente, des quadragénaires et quinquagénaires beaucoup plus politisés, assez conformistes dans leur comportement, consommateurs moyens, plutôt religieux et en quête désespérée de la reconnaissance dans le monde.
Ma génération parlait d'aller en Europe pour "voyager à l'étranger"; on ne disait jamais aller en France ou en Angleterre... On disait toujours "l'Europe", entité magique. Mais aujourd'hui ça y est: on est en Europe, on est européen on est dans l'euro.
Les jeunes se demandent maintenant: "Ok, ça y est. L'UE c'est un fait, on est dedans. Que nous apporte-t-elle?". Qui saura répondre à la question?" (Rigas Arvanitis, sociologue et journaliste)
Hormis la particularité du cas grec, ne trouvez-vous pas que tout celà a comme une odeur de poudre dans l'Europe toute entière? D'ailleurs, on remarque qu'à la même période, le gouvernement Sarko, d'ordinaire inflexible face aux mouvements de protestation, a reculé face à la mobilisation lycéenne, de peur qu'elle ne dégénère? Nos politicards auraient-ils compris que ce qui s'est passé en Grèce n'est qu'un avant-goût de ce qui pourrait se produire chez nous à cause de la précarisation et de la désillusion des jeunes? Parce que la dégradation des conditions de vie, la perte des acquis sociaux, la frustration de ne pas avoir sa place dans la société, le chômage, les loyers hyper-chers, les boulots sous-payés à mi-temps pour financer les études, les diplômes qui ne servent plus à rien, le manque d'écoute des jeunes de la part des institutions, le retour en force du conservatisme au pouvoir, l'accroissement des inégalités sociales, l'enrichissement d'une certaine partie de la population au détriment d'une autre....Tout ces évènements et tant d'autres sont responsables des émeutes grecques. Il ne leur avait fallu qu'un déclencheur. En France, ces élements existent aussi. Que se passerait-il si un élément déclencheur survenait chez nous? A méditer.
En attendant, les problèmes de la jeunesse grecque ne sont toujours pas réglée, et la situation est toujours sous tension là bas. A suivre.
